L’homophobie au travail prend différentes formes, qui sont à peu près les mêmes qu’ailleurs : moqueries, injures, discriminations, mise à l’écart, harcèlement moral et physique, agression physique...
Néanmoins la discrimination à l'emploi, en particulier l'homophobie (gayphobie ou lesbophobie) présente quelques caractéristiques propres :
le rapport de force entre employeurs et employés, en principe contrôlé par la loi ;
la vie privée des uns et des autres, supposée être protégée ;
les employeurs censés assurer des conditions de travail décentes à chacun, ce qui doit exclure les relations déplaisantes, fondées sur l’hostilité ou la discrimination.
Hélas, la loi n’est pas toujours respectée, comme le montre le chapitre "Travail" du rapport annuel de SOS homophobie.*
L’homophobie peut être le fait des employeurs eux-mêmes, ou de responsables dans une hiérarchie. Ces derniers peuvent aussi couvrir ou ne pas prendre au sérieux des comportements homophobes de salariés à l’égard d’un collègue. Néanmoins, avec les années, la question a cessé d’être taboue dans de nombreuses entreprises et il existe des possibilités de défense et d’action contre ces comportements.
Comment se manifeste l'homophobie au travail?
La majorité des victimes de discrimination à l'emploi sont des hommes (78 % des témoignages), âgés de 35 à 50 ans (47 %) et habitant hors Ile-de-France (54 %).
Quant aux agresseurs, la plupart sont des collègues sans relation hiérarchique direct avec la victime de ces discriminations homophobes.
La majorité des témoignages font état de relations entre collègues, au départ qualifiées de cordiales, évoluant de manière négative lorsque l’homosexualité d’un membre de l’équipe est révélée. Commencent alors les insultes, le rejet, la diffamation, voire l’outing et le harcèlement moral. Un changement de supérieur hiérarchique est aussi la cause d’une crainte que le nouveau ou la nouvelle responsable soit homophobe, ouvertement ou non.
De nombreux témoignages signalent des refus de promotion, des rapports négatifs infondés, voire des propos insultants tenus sans témoins. Les insultes quotidiennes, qui constituent un harcèlement moral, finissent par devenir épuisantes, au point que certaines victimes finissent par démissionner ou demander une mutation.
De même, un stagiaire a préféré mettre fin à son stage, à force de subir insultes et réflexions dégradantes. Il ne faut alors pas s’étonner si 32 % des victimes mettent en avant que les situations vécues sont sources d’arrêt de travail, de dépression, voire d’hospitalisation suite à une tentative de suicide.
Notons à ce sujet que 6 % des actes signalés émanent de délégué-e-s du personnel. Face à cette situation, nous relevons des appels, notamment de collégues hétérosexuels, agacés par les propos homophobes de leurs collègues, demandant des conseils pour mieux ouvrir la discussion et faire cesser ces propos.
Il arrive encore que, suite à une agression physique et des insultes, les supérieurs hiérarchiques tentent ou conseillent de minimiser les faits. Dans le meilleur des cas, l’agresseur reçoit un simple avertissement. Ainsi, un proviseur n’a pas estimé nécessaire de sanctionner un élève qui a insulté un professeur. Cette absence de prise en compte est fréquemment évoquée, lorsque le supérieur hiérarchique n’est pas lui-même l’agresseur.
Au sein de petites structures (restaurants, par exemple), il est difficile de trouver une quelconque forme de soutien : absence de délégués du personnel, collègues craignant de perdre leur place.
A l’inverse, il est heureux de voir que les manifestations de soutien peuvent exister dans d’autres structures (44 % des témoignages) : un médecin du travail, qui rappelle à l’employeur l’importance des faits ; un DRH, qui accompagne une victime au commissariat pour le dépôt de plainte ; une autre victime, menacée de poursuites après avoir souligné le caractère homophobe de propos tenus par son directeur, a reçu le soutien immédiat de ses collègues.
Les appels sur la ligne d’écoute de l’association permettent parfois aux victimes de mieux définir, de comprendre le caractère LGBTphobe des situations vécues au travail. La démarche du dépôt de plainte est alors facilitée.
L’acte ou la parole homophobe, biphobe et transphobe dans un contexte professionnel demeure difficile à prouver. Soit les propos sont tenus volontairement en l’absence de témoins, soit les collègues présent-e-s ne souhaitent pas témoigner, par crainte de perdre leur place ou d’être mal vu-e-s.
Par ailleurs, dès l’évocation de l’homosexualité du ou de la salarié-e, des pressions peuvent apparaître pour accélérer son départ. De même, certain-e-s supérieurs hiérarchiques se moquent ouvertement des règles du Code du travail en n’hésitant pas à évoquer oralement l’homosexualité comme motif d'une procédure de licenciement.
Que dit la loi ?
Les discriminations au travail liées à l'orientation sexuelle, au sexe, à l'état de santé, sont interdites. Quelle que soient les phases de la vie professionnelle.
On distingue notamment :
l'entrave portée à l'activité économique d'une personne (physique ou morale) en raison de son orientation sexuelle
Le refus d'embauche
le licenciement
les conditions d'emploi et de travail
les harcèlements moral et sexuel
Que faire face à une situation homophobe sur son lieu de travail ? Les salariés victimes d’agissements homophobes et de discriminations à l'emploi disposent d'un recours devant différents organismes (conseil de prud'hommes, tribunal administratif, justice) pour les faire cesser ou demander réparation du préjudice subi. Mais avant toute démarche judiciaire, le salarié peut faire intervenir des personnes dans son entreprise : la direction des ressources humaines (quand il y en a une), les représentants du personnel ou les délégués syndicaux, voire la direction. Il peut également saisir l'inspection du travail. Après, tout change selon l’accueil que l’on reçoit. Il est également possible de prendre conseil auprès de lignes d’information spécialisées ou de permanences d’avocat. Un appel sur la ligne de SOS homophobie permettra d’obtenir des informations plus adaptées à une situation personnelle. Au cours d’une procédure judiciaire, le salarié ou la personne mise en cause peuvent engager une procédure de médiation. Le choix du médiateur fait l'objet d'un accord entre les parties. Le médiateur tente de les concilier et leur soumet des propositions écrites en vue de mettre fin au problème. En cas d'échec de la conciliation, il informe les parties des éventuelles sanctions encourues et des garanties prévues en faveur de la victime.
* Rapport annuel 2019 de l'association SOS Homophobie
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